Jérémie Bigorie : À quand remontent tes premières émotions musicales ?
Marc Vignal : Je ne dirais pas que j’ai été « ému ». La première chose dont je me souviens est un spectacle auquel ma mère m’avait emmené au Palais de Chaillot où se produisait la compagnie de danse Janine Solane. Cette compagnie dansait sur la Symphonie pastorale de Beethoven. Je devais avoir 14 ans. Mais j’avais pris des leçons de piano dès 8 ans.
En conservatoire ?
M.V. : Non, je n’ai jamais fréquenté de conservatoire. C’était avec une amie de ma mère. Avec elle, je jouais à quatre mains des symphonies classiques (Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert), souvent à la basse, en clé de fa, et me suis familiarisé avec ce répertoire.
En dehors de ça, tu as suivi une scolarité normale dans le primaire et au lycée ?
M.V. : Oui.
Après, tu as suivi des études supérieures ?
M.V. : Sciences-Po, et j’ai été admissible à l’ENA en 1956.
Quand as-tu choisi la musicologie ?
M. V. : Je ne l’ai pas choisie, elle (ou plutôt la musicographie) est en quelque sorte progressivement venue vers moi. J’ai exploré les œuvres, à la radio et transcrites pour piano, puis j’ai fait des rencontres, grâce en particulier au Club des Trois Centres (des Jeunesses Musicales de France) qui organisait des séances d’écoutes de disques au Conservatoire Rachmaninov, avenue de New York. Je m’y suis rendu pour la première fois en avril 1956, alors que je préparais l’ENA, parce que j’avais lu dans le journal des JMF qu’y était organisée une soirée Sibelius, dont j’avais découvert la musique chez des amis en Angleterre deux ans auparavant. C’est au Club des Trois Centres que j’ai rencontré Pierre Vidal, qui s’en occupait, Harry Halbreich et Roger Tellart. Et un peu plus tard aux JMF Jacques Longchampt, le futur critique musical du Monde.
Marc Vignal : En même temps que celle pour Mozart et Beethoven : vers l’âge de 14-15 ans.
M. V. : L’idée m’a été suggérée, et je l’ai trouvée bonne.
M. V. : Très peu, sinon quelques détails biographiques. J’ai appris qu’il avait donné un exemplaire de son catalogue de 1805 à son élève Pleyel ; je l’ai inclus, comme le fait que sa femme est née une année plus tard que ce qu’on pensait (1730 au lieu de 1729), en raison d’une confusion sur la personne. Doit paraître prochainement une édition actualisée de la correspondance de Haydn.
Gilles Cantagrel : Tout simplement comme la suite et fin de mes études précédentes, sur les documents historiques, la réflexion esthétique et la musique vocale de Bach. Ce qui constitue un ensemble de quelque 4000 pages en cinq volumes, destiné à tout mélomane de bonne volonté. J’estime que la connaissance de la musique purement instrumentale du compositeur est aussi importante que celle de sa musique vocale pour connaître et aimer le musicien, et en mesurer le génie, ce génie qui ne cesse de nourrir nos âmes et nos esprits.
G. C. : Non, je ne le pense pas. On le surnomme parfois « le maître de l’orgue », ce qu’il a été, mais sa musique pour clavecin (le Clavier bien tempéré ! les Variations Goldberg ! L’Art de la fugue !), sa musique de chambre, sa musique pour orchestre (les Concerts Brandebourgeois !) sont tout aussi riches et essentielles.
À quelle génération appartient Luigi Cherubini ?
À celle située entre Mozart et Beethoven. Mais, aux côtés de Viotti, Méhul et Lesueur, Cherubini se place en dehors du classicisme viennois. Ces musiciens ont en quelque sorte fondé une tradition française (celle du début du XIXe siècle), dont Berlioz sera le point d’aboutissement.
Difficile de classer ce musicien italien installé à Paris, dont l’harmonie fut souvent taxée de germaniste !
Cela lui a en effet joué des tours, la postérité lui reprochant généralement de ne pas avoir d’identité nationale bien affirmée. Cherubini a quitté l’Italie à vingt-quatre ans pour n’y plus jamais retourner, a été influencé par la musique française mais aussi par Gluck et surtout Haydn. Il s’établit à Paris au moment où y furent créées les Symphonies parisiennes.