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Anne, notre amie, notre consœur, nous a quittés le 21 mars. Pour qui l'a côtoyée, elle restera pour toujours cette figure rayonnante, généreuse, indéfectiblement habitée par l'amour de la musique. Didier Van Moere, qui lui avait succédé à la présidence de la Presse musicale internationale en 2006, lui rend ici hommage.

AnneRodet PMi 2018Le regard pétillait, le sourire irradiait. Elle était lumineuse et généreuse. Anne a marqué tous ceux qui l’ont approchée. Au-delà du souvenir, une leçon de vie, de courage, de sagesse, de gaîté aussi. Et d’enthousiasme : jusqu’à la fin, on la vit au concert ou, surtout, à l’Opéra. La vie, pourtant, ne l’avait pas épargnée. Mais elle était plus forte que ses propres chagrins.
L’Opéra ou sa seconde maison. Entre la harpe et le chant, elle choisit le chant, révélé à la Scala de Milan lors d’une représentation de Tosca. On avait laissé entrer la petite pensionnaire en uniforme, elle resta jusqu’à la fin, émerveillée, alors qu’on la cherchait partout. La punition lui importa peu : elle avait découvert un monde. À Lyon, siégeant dans le jury du Conservatoire, le directeur de l’Opéra eut tôt fait de repérer le minois et la voix, pas moins jolis l’un que l’autre : le Dugazon idéal pour les pages travestis. Le père, qui lui-même s’était rêvé pianiste et composait à ses heures, s’empressa de donner son accord. Quelques jours après, elle incarnait Siébel, avant d’être Andreloun, Chérubin, ou le Tsarevitch français que Boris Christoff préférait. Après l’avoir malmenée, Ninon Vallin rendit les armes devant la petite Destezet, qu’elle vint, après une représentation, complimenter en coulisses. Elle ne brillait pas moins dans l’opérette, pétillante et pétulante, princesse Mi du Pays du sourire, Claudine de la Fille du tambour major, partenaire de Luc Barney ou de Michel Dens.
Après les planches, les salles de rédaction : L’information du spectacle, Spectacles Grandes Régions surtout, qu’elle créa, fidèle à ses débuts, pour accompagner et promouvoir la renaissance des opéras de province. Beaucoup de plumes lui doivent leurs premiers pas de critiques : elle repérait aussitôt les talents. Il y eut ensuite le secrétariat général du Théâtre Sylvia Monfort, où elle passait plus que ses journées. Retraite active enfin, retour au journalisme et entretiens pour Jours nouveaux, le journal du groupe Audiens, où elle dialoguait avec Line Renaud ou Robin Renucci, Michelle Cotta ou Yves Bourgade. Dans tout cela elle mit la même passion, toujours avide de montrer comment se construit une carrière, toujours bienveillante aussi, parce qu’elle en savait le prix. A la PMI, un an de présidence lui suffit pour attirer de nouveaux membres, qu’elle accueillait à bras ouverts, et organiser de mémorables déjeuners : aucune personnalité ne refusait une invitation d’Anne Rodet.

« Le jour se lève
Et fait pâlir la sombre nuit.
……………………………………….
Et moi couché dans la bruyère
Je vais reprendre mon sommeil. »

Gounod, Mireille, acte IV, « Chanson d’Andreloun »

Didier Van Moere

ravel belvedereLes incidents survenus récemment au « Belvédère », ancienne maison de Maurice Ravel à Monfort-l’Amaury devenue musée, n’ont pas manqué d’ alarmer la presse toute entière (notamment Le Monde du 16 février puis Le Figaro du 25 : une page entière chacun).

Les membres de la Presse musicale internationale ne peuvent que partager l’indignation soulevée par des conflits ridicules ayant conduit à envoyer la police afin d’éjecter deux éminents interprètes de Ravel alors en visite. Dans la même foulée, on a tout aussi brutalement démis de ses fonctions la guide qui depuis un bon quart de siècle a fait du lieu un véritable pèlerinage que les mélomanes du monde entier se recommandent volontiers.

Ces événements désastreux n’étant que l’apogée d’une accumulation de vexations infligées par une mairie – qui n’ a guère qu’un contrat de gestion du « Belvédère » avec la Réunion des musées nationaux – on se persuade (des attitudes semblables pouvant se faire jour ailleurs) qu’il y aurait lieu, désormais, de préciser plus clairement les rôles concédés à des municipalités dont l’incompétence peut ainsi nuire à la mémoire et au rayonnement de personnalités constitutives du renom national.

Ravel à son piano au « Belvédère ». Photo DR

Jean-Baptiste Fonlupt, qui avait joué lors de l'hommage de la PMI à notre consœure et amie Nicole Duault, et Lucas Debargue, invité de nos apéritifs PMi en décembre dernier, participeront au 11e festival de piano du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg. Le 19 décembre, Jean-Baptiste Fonlupt jouera, en ouverture du festival, le rare Concerto pour piano de Jolivet sous la direction de Valery Gergiev. Il donnera le lendemain un récital entièrement consacré à Liszt. Lucas Debargue, jouera ensuite Schubert et Szymanowski, un compositeur qu'il évoquait avec passion lors de notre rencontre l'an dernier.

 

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photos : © Béatrice Cruveiller / © Felix Broede / Sony

Harry Halbreich était mon ami et il savait tout

Harry Halbreich« C’est Harry Halbreich, il sait tout » proclamait à la ronde le compositeur Karl Amadeus Hartmann lors du festival de Donaueschingen 1960, qui vit la création de Chronochromie de Messiaen et d’Anaklasis de Penderecki. Hartmann exagérait à peine. J’ai rencontré Harry en avril 1956 au club de disques JMF des Trois Centres, lors d’une séance Sibelius où son arrivée fut tonitruante, très typique : « Lulu est paru ! ». Il s’agissait du premier enregistrement mondial de l’opéra d’Alban Berg. Dès cette soirée, nous avons parlé de Haydn et de Vaughan Williams, dont je lui appris – il n’était pas au courant, une fois n’est pas coutume – qu’une Huitième Symphonie allait voir le jour. Durant soixante ans, nous avons entretenu des liens d’amitié très forts, discutant à l’infini des musiques et des compositeurs qui nous étaient chers, de Purcell, Zelenka et Rameau à Sibelius, Roussel et Martinu en passant par Haydn et Schubert, sans oublier les contemporains. Ce que je suis aujourd’hui, je le dois beaucoup à Harry. Il m’a fait découvrir, lorsque durant ses études avec Messiaen il habitait rue de Charenton, énormément de noms et d’œuvres, essentiellement du XXe siècle, grâce à sa vaste discothèque et à son non moins vaste lot de partitions. Je me souviens de virées en Hollande, en particulier d’une photo de nous deux, à Leiden, brandissant le livre de Simon Vestdijk sur les symphonies de Sibelius dont nous venions de découvrir l’existence au hasard d’un visite dans une librairie. Et aussi de deux séjours communs à Kuhmo, en Finlande. À d’autres le soin d’évoquer en détail le professeur au Conservatoire de Mons, le journaliste à Harmonie et à Crescendo, le directeur du festival de Royan, qui plaça sur le devant de la scène les Dufourt, Ferneyhough et autres Radulescu, ou encore l’auteur d’innombrables et précieux textes de présentation de disques, en particulier chez Erato, et de « sommes » sur Debussy, Magnard, Varèse, Honegger, Messiaen. La vie sans Harry, disparu à Bruxelles le lundi 27 juin à l’âge de quatre-vingt cinq ans, ne sera plus la même. Maigre réconfort : je lui ai envoyé il y a quelques semaines, à sa demande pressante, mon récent petit livre sur Vaughan Williams, et il a pu m’en accuser réception par téléphone, après l’avoir lu de près, bien sûr.

Marc Vignal

Article initialement mis en ligne sur musikzen.fr (Cabinet de curiosités) le 27 juin à 23h16

Photo : DR

EL CORREGIDOR Y LA MOLINERA 15Pour leur troisième édition, les Journées de zarzuela organisées par la Fondation Guerrero (du nom du compositeur Jacinto Guerrero) se sont déroulées à l’auditorium de Cuenca, dans la Mancha de Don Quichotte du 25 au 27 septembre dernier. Au programme : des conférences et tables rondes, en compagnie des meilleurs spécialistes venus du monde hispanophone (Mexique, Chili, Pérou, Espagne) ou d’ailleurs (Brésil, Allemagne, Angleterre, France). Mais aussi des concerts et spectacles, comportant nombre d’inédits captivants, signés de compositeurs connus ou moins connus : Pablo Luna, Rafael Calleja, Amadeo Vives, Francisco Alonso, José Serrano, Federico Moreno Torroba et… Manuel de Falla. Trois jours marathon au dépaysement musical garanti, y compris pour tout fervent de zarzuela.