C’est un Mathieu Herzog connaisseur des lieux qui nous fait face : non seulement l’altiste a rencontré in situ Henry-Louis de La Grange, mais il animait dans l’après-midi une masterclass dans la cadre du Centre européen de musique de chambre – ProQuartet. Il en a profité pour consulter le fonds particulièrement riche que la BGF met à disposition des musiciens et musicologues.
En 2015, Mathieu Herzog créée l’orchestre chambriste Appassionato, dont l’idéal se réclame de ce que Claudio Abbado avait façonné avec l’Orchestre de Lucerne où officiaient Sabine Meyer, Natalia Gutman, le Quatuor Hagen... Une carrière qui s’ajoute plus qu’elle ne substitue à celle d’altiste au sein du Quatuor Ébène : l’archet ne le quitte jamais, que ce soit en tant que musicien (les opus 130, 131, 132 de Beethoven restent pour lui une source intarissable) ou en tant que professeur fort de quinze années d’expérience en quatuor (classes de maître ou cours particuliers donnés à son domicile suisse à des élèves venus du monde entier).
Fils du directeur du conservatoire de Boulogne Alfred Herzog, Mathieu a très tôt baigné dans la musique « classique » de manière immersive. A telle enseigne qu’il lui a fallu attendre la fin de l’adolescence pour s’ouvrir à d’autres styles de musique, au service desquels il entame une activité parallèle d’arrangeur. Aujourd’hui, il met son talent d’arrangeur au service de Debussy (orchestration de La Cathédrale engloutie) et d’autres compositeurs (réduction pour l’effectif d’Appassionato de l’ouverture du Vaisseau fantôme, de L’Apprenti Sorcier…). À ces deux occupations il convient d’en adjoindre une autre : rédacteur d’un livret d’opéra sur les derniers jours de la vie de Bizet, anéanti par l’échec de Carmen. Ce livret attend toujours son compositeur…
Sa première expérience à la baguette, Mathieu Herzog la doit à un retard inopiné de Daniel Harding au festival de Verbier. Il conduit alors de l’archet des jeunes musiciens dans une symphonie de Mahler – un choc ! Il fait part à Michael Tilson Thomas de son désir de diriger, lequel lui donne trois conseils (« à suivre dans cet ordre ») :
1/ Avoir un orchestre,
2/ Observer les grands chefs en répétitions,
3/ Prendre des cours.
S’il concède n’avoir pas observé la dernière recommandation, Mathieu Herzog a pu bénéficier du soutien de certains mentors, au premier rang desquels Semyon Bychkov et Simon Rattle. Deux personnalités différentes, ainsi qu’en témoignent leur réaction à la parution du premier disque de Mathieu Herzog et Appassionato consacré aux symphonies de Mozart, avec des tempos (menuet, fugue finale) très enlevés : le premier fut consterné, le second transporté d’enthousiasme.
Soucieux du renouvellement des publics sans rien sacrifier à la qualité des programmes et des interprétations, Mathieu Herzog et Appassionato se produisent à La Seine Musicale dans la série de concerts « Vous trouvez ça classique ? ». Quelques explications simples mais précises (quitte à entrer dans des considérations d’ordre harmonique) suffisent à baliser l’écoute de ce public de l’ouest parisien, à la fois demandeur et orphelin depuis la fermeture de Pleyel. La salle de la Seine Musicale (1200 places) affiche déjà complet pour plusieurs concerts.
Jérémie Bigorie
Photo © Rémi Rière