Vingt ans après Laurence Equilbey, une autre cheffe de chœur, Sofi Jeannin, s’est vu décerner, le 4 mars dernier, lors d’un déjeuner de presse au restaurant Louvre-Ripaille, le Grand Prix Antoine Livio de la Presse musicale internationale. En présence de Michel Orier, Directeur de la musique à Radio France, Maud Rolland, déléguée artistique de la Maîtrise de Radio France et Vanessa Gomez, responsable médias pour le Chœur et la Maîtrise.
Une récompense venant saluer le travail accompli depuis plus de quinze ans auprès de la Maîtrise de Radio France par une directrice musicale sans aucune expérience préalable des chœurs spécifiques d’enfants, mais séduite d’emblée par un projet conjuguant transmission pédagogique et potentiel artistique. Avec pour axes de travail la reconnaissance de besoins pédagogiques, la cohérence avec les activités des autres formations musicales de Radio France, et l’originalité de la démarche et des répertoires abordés.
Car, même au terme de 77 ans d’existence, le projet de la Maîtrise reste un pari permanent pour Sofi Jeannin. Certes le premier site de la Maîtrise, à Paris, est maintenant suffisamment renommé, entre 100 et 200 candidats postulant spontanément pour les 12/15 places disponibles chaque année. La problématique est différente pour le second cycle ouvert à Bondy en 2006. Il s’adresse à des populations possédant d’autres bagages culturels, à des familles qu’il s’agit de sensibiliser à la pratique de la chorale et qu’il faut accompagner dans cette connaissance. Car pour Sofi Jeannin, la musique doit être accessible à tous, puisque – elle en est définitivement convaincue – elle rend la vie meilleure. La Maîtrise est comme une « oasis » dans ces quartiers Nord de Bondy et peut constituer un véritable tremplin social pour certains.
La Maîtrise, c’est à la fois un chœur d’enfants et une école, avec un enseignement musical très complet : cours de piano, cours de technique vocale et de formation musicale, des ateliers de direction de chœur, d’harmonie et de contrepoint, etc.
Autant que les compétences vocales, ce sont la motivation et le potentiel des élèves qui déterminent leur sélection. Pour certains d’entre eux, cela peut même rendre littéralement passionnante leur scolarité, qu’ils souhaitent faire de la musique plus tard ou pas. Et, au moment de la puberté et de la mue, tant pour les filles que pour les garçons, il n’est pas question de les « éjecter ». Les garçons dont les voix changent continuent de chanter dans un choeur mixte, et tous restent en contact avec la maison : on appartient à vie à la Maîtrise ! Et nombreux sont ceux qui, riches de leur bagage, s’accomplissent dans le milieu musical ou dans les professions paramusicales.
A la tête de la Maîtrise, Sofi Jeannin multiplie les tournées internationales : après l’Angleterre – en partenariat avec les BBC Singers, dont elle est depuis 2018 la cheffe principale –, Shanghai et la Nouvelle-Zélande, ce sera en 2024 la Hongrie avec la création magyare des Treize haikus de Peter Eötvös, donnés en première mondiale en janvier dernier. Sans compter les nombreuses pièces pédagogiques pour chœur d’enfants qu’elle aimerait voir éditer.Sofi Jeannin revendique avec un enthousiasme sans failles la dimension politique de son travail. Projet de création d’une chorale d’enfants de camps de réfugiés avec El Sistema Grèce, également d’un chœur et d’un orchestre au Kinshasa. Et participation aux côtés du Chœur de Radio France à la plateforme numérique Vox, à destination des enseignants de l’Éducation Nationale.
Marcel Weiss
Photos : Sophie Jeannin et la Mâitrise © Christophe Abramowitz / Radio France ; Sophie Jeannin et la PMi / © PMi