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Alexandre Dratwicki et Jérémie Bigorie
Pour son dernier apéritif de la saison en la Bibliothèque La Grange Fleuret, la PMi reçoit justement un habitué des bibliothèques, dont les doigts de sourcier n’ont de cesse de compulser des partitions méconnues du XIXe et du début du XXe siècles : Alexandre Dratwicki n’a pourtant rien d’un « rat de bibliothèque » avec ce que cette expression charrie de dépréciatif et de sinistre. Il n’est que de l’entendre s’exprimer – dans une langue dont le français savoureux n’a d’égal que l’enthousiasme communicatif – pour se convaincre que Nicole Bru, présidente du Palazetto Bru Zane, a su s’entourer de la personne idoine pour valoriser notre patrimoine musical. 

Docteur en musicologie à l’Université Paris IV, notre invité rappelle que le projet original de Nicole Bru visait à créer un centre de recherche qui prolongerait l’idée des brevets scientifiques tels qu’ils se pratiquent dans le domaine de la pharmacie. La branche artistique est venue se greffer par le truchement des livres-disques : initialement produits par le label Glossa, ils sont depuis pleinement intégrés au Palazzetto ; ils confèrent un rayonnement inappréciable au Centre de musique romantique française. Les collections "Opéra français", "Prix de Rome" et "Portraits" font revivre aussi bien le répertoire vocal (opéra, opérette, cantate, mélodie) que la musique de chambre, symphonique ou sacrée. Au total, plus de 270 disques ont été « soutenus ».

La mentalité développée par Alexandre Dratwicki s’emploie à fédérer les équipes autour de projets singuliers. Ainsi de la soprano Jennifer Holloway, disposée à laisser de côté pour un temps les grands rôles (Mozart, Strauss, etc.) avec lesquels elle brille habituellement sur les scènes internationales au profit des projets plus confidentiels du Palazzetto. Et notre invité de nous avouer avoir bataillé avec l’agent de ladite artiste afin de lui rappeler les priorités que cette dernière avait inscrites à son agenda.

La question de la distribution du plateau vocal est l’occasion de préciser que les exigences du disque (qui a tendance à tout grossir) ne sont pas celles de la scène. C’est pourquoi il est préférable de promouvoir un certain allégement en termes de projection des chanteurs… en espérant que la salle saura leur rendre justice. Ou plutôt les salles : Alexandre Dratwicki confesse avoir davantage apprécié Hulda, point d’orgue des festivités célébrant le bicentenaire de la naissance de César Franck, à la Salle Philharmonique de Liège qu’au Théâtre des Champs-Elysées, où l’engouement de la critique fut moindre.

Il faudrait parler des nombreuses activités complémentaires du Palazzetto, listées sur leur site internet ; bornons-nous à saluer leur action prophétique en faveur des compositrices, et ce bien avant que les projecteurs ne soient braqués sur leur sort. Une action que parachèvent cette année les parutions concomitantes d’une biographie d’Augusta Holmès, sous la plume d’Hélène Cao (en partenariat avec les éditions Actes Sud), et d’un superbe coffret de huit disques, sobrement intitulé « Compositrices ». Sont mises à l’honneur (excusez du peu !) Mel Bonis, Lili et Nadia Boulanger, Marthe Bracquemond, Cécile Chaminade, Hedwige Chrétien, Marie-Foscarine Damaschino, Jeanne Danglas, Louise Farrenc, Clémence de Grandval, Marthe Grumbach, Augusta Holmès, Madeleine Jaeger, Marie Jaëll, Madeleine Lemariey, Hélène de Montgeroult, Virginie Morel, Henriette Renié, Charlotte Sohy, Rita Strohl et Pauline Viardot !

Jérémie Bigorie
Photo : Alexandre Dratwicki et Jérémie Bigorie à la Bibliothèque La Grange-Fleuret le lundi 26 juin. © PMi