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Six ans après la création de son ensemble Secession Orchestra, le chef d’orchestre et compositeur Clément Mao-Takacs s’affirme comme l’une des fortes personnalités de la scène musicale. Au café Mon Paris, il ouvre la saison 2017-2018 des « apéros PMi ».

Clément Mao TakacsClaude Doaré 1 150x150En ce début de saison, l’actualité de Clément Mao-Takacs est foisonnante. Après un récent concert dans la cour Marly, à l’occasion des 120 ans de la Société des Amis du Louvre, il retrouvait ces jours-ci l’auditorium du musée pour un programme autour de Debussy et la danse, composé d’orchestrations de pages pour piano réalisées par le chef d’orchestre lui-même. Quelques semaines auparavant, avec ses musiciens il était au Musée d’Orsay pour un programme viennois en hommage à Henry-Louis de La Grange, le fondateur de la Médiathèque musicale Gustav Mahler. On ne s’étonnera pas de cette fréquentation assidue des musées chez un musicien qui prône toujours le rapprochement des arts ; il n’a pas donné par hasard à son orchestre le nom de Secession, ce mouvement viennois prônant le renouveau et le dialogue des arts. Comme ces artistes du siècle dernier dont il invoque le nom, Clément Mao-Takcas refuse de se laisser enfermer dans un seul répertoire : « Du baroque au contemporain, les musiques se complètent », souligne-t-il. Et de citer ces grands maîtres du concert – Bernstein, Karajan, Kleiber – qui n’ont jamais cessé de diriger l’opéra.

Photo © Claude Doaré

 

 


Le chef d’orchestre revendique cependant d’orienter actuellement sa carrière vers le répertoire symphonique, à la fois pour une question de « visibilité » et pour « éviter de subir les mariages arrangés avec les metteurs en scène ». Outre la saison du Secession Orchestra, Clément Mao-Takacs poursuit ainsi une activité importante de chef invité en France (Orchestre national des Pays de la Loire) mais aussi en terres nordiques (Orchestre symphonique d’Odense, Philharmonique d’Oslo, ensembles BIT20 et Avanti !), partagée entre répertoire (Haydn, Mendelssohn – la Symphonie italienne dans sa version de 1834 – et bien sûr Mahler) et création (Kaija Saariaho, Kasper Rofelts).
Dans le domaine lyrique, Clément Mao-Takacs, qui rêverait d’expérimenter le Ring dans des mises en scène diamétralement opposées (il cite Michel Fau autant que les héritiers d’Adolphe Appia), privilégie les collaborations suivies qui « permettent de lever certaines tensions inhérentes à l’opéra ». C’est à cela qu’il s’emploie avec Aleksi Barrière au sein de la compagnie La Chambre aux échos.

Mao Takacs apéro PMIMais, au-delà de la scène, c’est vers la salle – et dans le monde – que Clément Mao-Takacs entend mener son action. Pour lui, le chef se doit d’être « à 50% avec l’orchestre et à 50% avec le public ; faire un concert, c’est avant tout donner quelque chose à quelqu’un ». Engagé avec Secession Orchestra dans l’éducation artistique, il refuse de « mettre les enfants dans la seule position de spectateurs. C’est aux musiciens qu’il revient de former l’esprit critique des jeunes et de les amener à être acteurs de la musique ». En exemple, il rappelle qu’en 2008, il avait fait chanter, danser et jouer des élèves de sept classes du 18e arrondissement de Paris autour de l’opéra Nikita, chien chanteur d’opéra de Janos Komives. En 2018, avec la Fondation Royaumont, il proposera un travail autour de « chansons de France et d’Europe » à des classes de Gonesse. Soucieux de travailler au contact de tous les publics, il n’hésite pas à se confronter à des contextes très particuliers, comme dans les hôpitaux, une expérience qu’il juge très enrichissante car la réaction des auditeurs à la musique s’y révèle sans le filtre des habitudes sociales. « Quand on écoute la 4e Symphonie de Mahler, on devrait avoir envie de sangloter. Les publics autistes, eux, le font ; ils révèlent ainsi ce que la musique a d’unique ».

 

Jean-Guillaume Lebrun
Photo © Victoria Okada